Jules Mazarin (1602-1661) | |
Cardinal et homme politique français d'origine italienne, qui gouverna la France durant la minorité de Louis XIV et qui, malgré les années de troubles de la Fronde, contribua à renforcer l'absolutisme.
Diplomate et cardinal Né à Pescina (Abbruzes), Giulio Mazarini, dont le nom fut plus tard francisé en Jules Mazarin, était le fils d'un intendant au service des princes Colonna, Pietro Mazarini, et d'Hortense Buffalini, elle-même issue d'une famille de la noblesse. Élevé par les jésuites du collège romain, il suivit l'un des princes Colonna en Espagne, puis fit une brève carrière dans l'armée. Vif, parlant bien l'espagnol et le français, il entra dans le corps diplomatique pontifical et ne tarda pas à se faire remarquer à l'occasion de plusieurs négociations, notamment celles qui concernaient la succession de Mantoue et du Montferrat : sur ordre secret du pape Urbain VIII, il réussit à faire accepter une trêve entre Espagnols du Milanais et Français, qui s'affrontaient devant la ville piémontaise de Casal (octobre 1631). Peu après, il négocia la paix de Cherasco, qui, reconnaissant à la France la possession de Pignerol, lui assurait ainsi une voie d'accès en Italie du Nord. Désormais compromis par son soutien au parti français, alors qu'il avait longtemps été protégé des milieux favorables à l'Espagne, Mazarin vit la progression de sa carrière entravée, bien qu'il eût accepté, sur la demande du pape, de recevoir le premier degré de cléricature, dans l'intention d'accéder au cardinalat.
Ayant réussi à se faire envoyer en France comme nonce extraordinaire (août 1634), il profita de cette période pour approfondir ses liens avec Richelieu. Lors de l'entrée en guerre de la France contre l'Autriche, il dut cependant regagner Rome en 1636 sur l'insistance de la faction espagnole du Vatican. En 1639, Richelieu, décidé à attacher à la France un si habile diplomate, fit revenir Mazarin à Paris, le chargea des négociations de paix avec la Savoie et lui fit accorder ses lettres de naturalisation. Le 16 décembre 1641, enfin, Mazarin reçut le chapeau de cardinal. Premier ministre Ayant succédé au père Joseph comme confident et principal collaborateur de Richelieu, il fut recommandé par ce dernier, sur son lit de mort, au roi Louis XIII, comme le plus capable de prendre sa succession et, le 5 décembre 1642, fut nommé président du Conseil du roi. À la mort de Louis XIII, l'année suivante, sa veuve Anne d'Autriche, à laquelle le lia peut-être, sinon un mariage secret, du moins une très grande amitié, choisit de prendre Mazarin comme ministre principal et comme tuteur de Louis XIV, alors âgé de cinq ans. Dans la situation peu propice à l'affirmation du pouvoir royal que constituait la période de minorité du monarque, Mazarin, peu aimé de la cour et du peuple en raison de son origine étrangère, fut obligé de déjouer de nombreuses cabales, comme celle des Importants. Cependant, bien décidé à léguer au roi, le jour venu, un pouvoir inentamé, et tenant de sa formation romaine l'art de louvoyer, Mazarin poursuivit la politique absolutiste de Richelieu.
En politique étrangère, la régente décide de poursuivre, à l'étonnement général, la politique de Richelieu : lutte contre l'Empire et l'Espagne, renforcement de l'absolutisme. Jusqu'en 1648, Mazarin se consacre à la politique extérieure de la France et les traités de Westphalie mettent fin à la guerre avec l'Empire. Les traités de Westphalie, conclus en 1648, apportèrent à la France la haute et la basse Alsace, et servirent ses intérêts dans la mesure où ils consacraient l'affaiblissement de ses principaux rivaux, les Habsbourgs, présents à la fois en Autriche et en Espagne. Cependant, la France ne put jouir longtemps des bénéfices de la paix, le mécontentement qui grondait depuis longtemps ayant abouti au déclenchement de la Fronde.
Mais les exigences fiscales , l'impopularité de sa politique tortueuse servent de prétexte à la fronde parlementaire , puis à celle des princes qui mettent en cause l'absolutisme royal. Tout, en fait, se ligua contre Mazarin au même moment. La poursuite de la guerre avait contraint le surintendant Particelli d'Émery à lever de nouvelles taxes (en vertu de l'édit du toisé et de la taxe des "aisés", pris en 1644, et de l'édit du tarif, pris en 1646), très mal acceptées par le peuple. La multiplication des offices, ainsi que la réduction des gages et des rentes atteignaient dans ses privilèges la noblesse et la bourgeoisie de robe. En outre, les Grands, et particulièrement les princes du sang, longtemps bénéficiaires de l'indulgence de Mazarin, qui préférait les combler de largesse plutôt que de céder une part quelconque des prérogatives du pouvoir central, étaient conscients que, à mesure que la majorité du roi approchait, leur capacité d'action risquait de se réduire. Née d'une conjonction de facteurs, la Fronde manifesta en fait un refus global des progrès de l'absolutisme et de la centralisation monarchique.
La fronde parlementaire (1648-1650) cherche à récupérer le droit de remontrance (droit exercé par le Parlement avant l'enregistrement d'un texte royal, soit le roi accepte les remontrances soit il fait passer le texte en force).
Un nouveau compromis, la paix de Saint-Germain (1er avril 1649), sembla préparer le retour au calme. Mais les prétentions de Condé à faire payer son soutien au pouvoir provoquèrent son arrestation (janvier 1650), ainsi que celle de Conti et de Longueville. À la Fronde parlementaire succédait celle des princes, qui enflamma la Normandie, le Poitou, la Bourgogne et l'Aquitaine. Derniers succès Rentré en France en décembre 1651, Mazarin eut l'adresse de s'éloigner une seconde fois, jouant sur l'apaisement de l'opinion qui commençait à se lasser de la ruineuse rébellion des princes. Réfugié à Bouillon d'avril 1652 à février 1653, il put, peu après le roi, faire une entrée triomphale dans Paris. Plus puissant que jamais, il se consacra désormais à l'éducation du roi, qui lui laissa exercer le pouvoir jusqu'à sa mort. S'appuyant sur des administrateurs de grande valeur, dont les plus connus sont Lionne, Servien, Le Tellier, Fouquet et Colbert, son intendant particulier, il fut en mesure de redresser les finances du royaume tout en travaillant, plus que jamais, à en assurer la sécurité. S'il échoua à faire élire Louis XIV au trône impérial (Léopold Ier lui fut préféré), il parvint, au prix d'une surprenante alliance avec le régicide Cromwell, à reprendre Dunkerque aux Espagnols (1657) et, l'année suivante, organisa avec les protestants la ligue du Rhin visant à isoler l'empereur. Le couronnement de sa carrière fut le traité des Pyrénées, signé en 1659, qui mit fin à la guerre avec l'Espagne, donna à la France l'Artois et le Roussillon, et décida du mariage de Louis XIV avec une princesse espagnole, Marie-Thérèse, ce qui devait, ultérieurement, ouvrir la voie aux prétentions françaises sur la couronne d'Espagne. Peu avant sa mort, Mazarin maria Philippe d'Orléans, le frère du roi, avec Henriette d'Angleterre, sœur de Charles II, dans le but de renforcer l'alliance de la France avec ce puissant voisin. Mort dans la nuit du 8 au 9 mars 1661, au château de Vincennes, Mazarin laissait une énorme fortune, estimée à 39 millions de livres tournois. D'une extraordinaire cupidité, bénéficiaire des revenus de vingt-neuf abbayes, de six gouvernements, actionnaires de plusieurs compagnies de navigation, il fit bénéficier sa nombreuse famille de ses largesses et lui assura des positions brillantes : son neveu reçut le duché de Nevers, tandis que ces nièces, renommées pour leur beauté, devenaient respectivement duchesses de Mercœur et de Bouillon, comtesse de Soissons, princesse Colonna; Hortense, la préférée du cardinal, épousa, quant à elle, Armand de La Meilleraye, créé duc de Mazarin. Mazarin fut également un collectionneur d'art éclairé et un grand mécène : fondateur du collège des Quatre-Nations, qui abrite aujourd'hui l'Institut de France, de l'Académie royale de peinture. Il ouvrit au public sa bibliothèque personnelle, l'actuelle bibliothèque Mazarine, et protégea de nombreux artistes, dont Ménage et Lully. On lui doit aussi l'introduction de l'opéra italien en France. Haï et méprisé, couvert de libelles (les célèbres Mazarinades) pendant la Fronde, il eut pourtant à cœur la grandeur de la France, et, s'il profita de son pouvoir pour s'enrichir, il privilégia toujours les intérêts de l'État avant les siens propres. |