Le site des moulins occupe une partie des quartiers Bellevue et Saint-Vincent à l’ouest de la commune de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Le site est implanté sur une terrasse géologique calcaire formant un coteau qui surplombait la plaine du Rhône à l’ouest et descendait en faible pente vers l’est. Les prélèvements sédimentologiques ont montré qu’une vaste zone de dépression humide, marécageuse, jouxtait le site au nord. Elle devait couvrir 50 à 60 hectares.
Ce site de plaine a subi une importante érosion, due aux occupations ultérieures et aux phénomènes naturels, qui ont fait disparaître les sols d’habitat en place. En raison de la circulation des eaux les pollens fossiles ne sont pas conservés sur de tels sites en plein air. La palynologie n’est donc d’aucun secours. Cependant l’environnement végétal chasséen a pu être assez précisément déterminé grâce à la contribution de plusieurs disciplines.
La terre des fosses a été systématiquement tamisée, ce qui a permis aux archéologues de recueillir de minuscules fragments d’ossements (rongeurs, batraciens), de coquilles (mollusques) ou de charbons de bois.
L’étude anthracologique a montré la dominante incontestable du chêne dans les espaces boisés, associé parfois au frêne et à l’aulne.
Les études de microfaunes (mollusques, rongeurs, batraciens) ont permis, par l’identification d’espèces adaptées à des milieux bien spécifiques, de mettre en valeur à la fois la présence de zones humides et marécageuses et de milieux secs, chauds et ouverts dits steppiques.
Le paysage qui entourait le site était donc extrêmement diversifié, on parle de paysage en mosaïque. Des coteaux secs et ouverts, sans couverts forestiers, côtoyaient des chênaies, des prairies humides et vastes zones marécageuses.
A la fin du néolithique, très progressivement entre 10000 et 6000 A.C, le mode de vie connaît un changement total. Les deux principales causes sont le réchauffement du climat et l'influence de civilisations du Proche Orient à l'avant garde de cette évolution. La domestication des céréales et d'espèces animales telles que le mouton, la chèvre, le boeuf et le porc, conduisent à l'adoption d'une économie de production de subsistance et en conséquence à la sédentarisation des tribus qui se constituent en villages.
Désormais les hommes néolithiques maîtrisent leur environnement et l'adaptent à leurs besoins. La déforestation des sols en vue d'une libération de grands espaces de culture et d'élevage est un des grands phénomènes de cette période. Vers 3800 A.C environ, un deuxième déclic se produit. Pour des raisons complexes, une explosion démographique se produit. Une société rurale, vivant presque uniquement sur sa production (chasse et pêche), exerce son empire sur tout le territoire, défriche et fait reculer la forêt, occupe les plaines, terrasses et coteaux pour ces champs, la recherche de pierres à tailler ou à polir. Les populations se sédentarisent, la poterie se généralise... Les premiers villages de notre histoire voient le jour pour attendre les récoltes, stocker les réserves, parquer le bétail...
Le chasséen des Moulins, à Saint-Paul-Trois-Châteaux, s'étend principalement dans le quartier de Bellevue et Saint-Vincent : une longue bande de 600 m environ sur 50 à 100 m de largeur. L'adoption d'un nouveau mode de vie en villages, même si les déplacements subsistent toujours, notamment pour accompagner le bétail en transhumance, provoque l'apparition de nouvelles techniques. Les premières poteries sont fabriquées et complètent bien sur une vaisselle en bois qui existait déjà au Paléolithique, mais dont on ne retrouve pas les traces archéologiques. L'outillage reste constitué de pierres taillées et d'os comme au Paléolithique. Mais une nouvelle technique apparaît : le polissage de la pierre qui permet notamment d'obtenir des haches parfaitement lisses et tranchantes utilisées pour l'abattage et le travail du bois.
Enfin le néolithique voit aussi la généralisation des échanges. Des matières premières telles que l'ambre, le silex, l'obsidienne circulent sur des milliers de kilomètres. La diffusion d'une culture relativement homogène, particulièrement au chasséen, témoigne des liens culturels profonds qui unissent les groupes de villageois néolithiques.
Le chasséen est caractérisé, semble-t-il, par la complémentarité des sites : sites de plaines, de grottes, de plateaux et de vallées. Ainsi, à l'image de ce que l'on connaît en Ardèche, les sites de grottes élevés livrent des vestiges d'une occupation saisonnière de bergers qui y menaient chaque printemps leurs troupeaux d'ovicaprinés. Ces groupes étaient logiquement basés dans un village de plaine ou de vallée le reste de l'année. De nombreux sites sont localisés dans le fond des vallées, sur les bordures de rivières ou au franchissement de cols. Une fonction de contrôle des circulations, que l'on sait importantes au chasséen et particulièrement en Moyenne Vallée du Rhône qui joue un rôle de carrefour entre l'Italie du Nord Ouest, le Languedoc, la Provence, paraît évidente. D'autant que l'on y trouve des matières premières de provenances lointaines, telle que l'obsidienne par exemple (originaire du sud de l'Italie) ou les roches dures à polir. A l'inverse les silex des Préalpes calcaires et de la vallée du Rhône étaient diffusés vers les régions transalpines.
Les grands sites de plaines sont plus rares dans le chasséen méridional et semblent occuper une place à part. Unique sur plusieurs milliers de kilomètres, ils présentent des activités spécifiques : stockage en fosse-silo, présence du gros bétail et de chiens, comportements rituels, cérémonies funéraires. Peut-être s'agit-il, plus que d'un modèle rayonnant, un modèle centripète : hommes et activités, issus d'entités territoriales diverses (microaires), convergeant vers ce lieu à un rythme et pour des raisons à préciser. Il s'agit d'un pôle d'activités spécifiques majeures dans un territoire défini.
La Drôme a bénéficié de deux fouilles particulièrement importantes et complémentaires dans ce domaine : le site des Moulins à Saint-Paul-Trois-Châteaux et celui du Gournier sur les communes de Montélimar et de Châteauneuf-du-Rhône. Ces deux "villages" de plaine présentent de nombreuses analogies : tous deux situés sur des terrasses alluviales en bordure de la plaine du Rhône, ils ont été occupés pendant une très longue période.
Aux Moulins, trois phases de céramiques ont pu être distinguées qui s’échelonnent de 4500 à 3500 A. C. Si les vestiges d'une vie de village y sont présents : outillage, céramique, faune domestique... d'autres aspects, symboliques et funéraires, y ont été développés. Les deux sites contiennent notamment des sépultures collectives avec mise en évidence d'une hiérarchisation sociale. De plus l'analyse fine des objets manufacturés retrouvés sur place montre une très grande diversité des fabrications et donc probablement des provenances, comme si plusieurs groupes humains avaient convergé sur le site à des périodes données.
Le site des Moulins a-t-il été un village de plaine "classique" puis un lieu de statut symbolique et funéraire pour plusieurs groupes, ou ces deux niveaux de fonctions étaient-ils simultanés. C'est difficile à dire. Cependant les recherches du CAP de Valence ont mis en évidence l'hypothèse de l'existence d'un réseau complexe de sites formant des entités territoriales groupées autour de grands sites de plaines tels que le Gournier ou les Moulins.
La technique de fouille était très performante, chaque fosse a été entièrement fouillée avec un relevé systématique de l’emplacement des objets (position et pendage) et dessin de la coupe stratigraphique de la fosse. Cela a montré notamment les différences morphologiques des fosses qui correspondaient à des fonctions différentes. Tout ceci a permis de faire des analyses scientifiques pointues afin de caractériser le milieu écologique et d’approfondir l’étude des industries humaines.
La technique d'approche consiste à décaper d'abord à l'aide d'un chargeur puis avec une pelle mécanique, progressivement jusqu'à la base de la terre arable. Les fosses et autres structures en creux apparaissent alors comme des traces circulaires de terre brune ou noire sur fond de terrasse graveleuse jaune. Toutes sont circonscrites, nettoyées, situées sur plan général et numérotées. 165 fosses ou autres structures en creux, néolithiques, mais aussi médiévales, ont été repérées et fouillées. Des bordereaux d'enregistrement des observations ont été fait systématiquement. Chaque fosse était prise en charge par une équipe de deux fouilleurs. On a procédé par enlèvement progressif au grattoir de la terre de comble puis fait des relevés précis.
Des prélèvements de terre étaient effectués pour la recherche des pollens et des micro-escargots fossiles, pour l'étude du sédiment. Toute la terre de la fosse était tamisée à sec à l'exception d'une petite quantité tamisée plus finement à l'eau afin de recueillir des graines fossiles, des charbons de bois, des os de petits rongeurs... Les relevés et plans étaient systématiques, des objets entiers ou fragmentés étaient recueillis puis lavés, marqués, recollés avant d'être dessinés et étudiés.
Elles apparaissent comme des traces circulaires de terre brune et noire sur le fond d’une terrasse de gravier jaune. On a retrouvé une quantité de vestiges dans ces fosses : céramiques fragmentées, fragments de meules ou broyons à céréales, restes osseux d'animaux consommés. La répartition de ces types de fosses ne semble pas aléatoire sur le site. La concentration ou la fréquence dans certaines zones montrerait peut-être une spécialisation des activités en certains endroits.
Il s'agit de mettre en évidence d'éventuels groupements de fosses, à partir de critères:
Y aurait-il eu ou non deux occupations majeures séparées dans le temps par quelques siècles, dont la première serait dans la norme habituelle des habitats, et la seconde plus spécifiquement vouée à un épisode funéraire?
Les différents types de fosse retrouvés aux Moulins :
Pour le stockage des céréales puis dépotoir ou ?? un trés vaste espace de capacité. Anciens silos convertis en dépotoirs ou sépultures.
Fosse devenue dépotoir. On y trouve de nombreux fragments d'objets mais leur fonction première reste inconnue
Fosse peu profonde à fond plat. Aire d'activité domestique (motures, céréales, préparation culinaires) dans ou à proximité immédiate des cabanes. sol de four (fosse 43), meule dormante (fosse 59)
Fosse foyer